Le 27 mars 2020

COVID-19 et loyers commerciaux

De nombreux locataires professionnels doivent faire face à la fermeture de leurs locaux commerciaux en raison de la crise sanitaire due au COVID-19.

Cette crise se répercute inévitablement sur les bailleurs, sollicités par leurs locataires qui n’entendent plus régler les loyers ou qui ne peuvent plus les régler.

 

1– Pour faire face à cette crise, le gouvernement a tout d’abord adopté la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 laquelle précise notamment que le gouvernement peut par ordonnances et dans un délai de trois mois à compter de la publication de la loi, prendre toute mesure entrant en vigueur à compter du 12 mars 2020 permettant aux microentreprises au sens du décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008 (relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique) dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie, de reporter intégralement ou d’étaler le paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels et commerciaux et de renoncer aux pénalités financières et aux suspensions, interruptions ou réductions de fournitures susceptibles d’être appliquées en cas de non-paiement de ces factures.

Le décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008 visé dans la loi d’urgence dispose :

« La catégorie des microentreprises est constituée des entreprises qui :

― d’une part occupent moins de 10 personnes ;

― d’autre part ont un chiffre d’affaires annuel ou un total de bilan n’excédant pas 2 millions d’euros. »

Autrement dit, les dispositions précitées s’appliqueraient à ce jour à ces seules microentreprises.

 

2– A été adoptée le 25 mars 2020 l’ordonnance n°2020-316 du 25 mars 2020 relative au paiement des loyers, des factures d’eau, de gaz et d’électricité afférents aux locaux professionnels des entreprises dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie de covid-19.

L’article 4 de l’ordonnance prévoit que certains professionnels du commerce qui ne règlent pas les loyers de leurs locaux commerciaux ne peuvent encourir :

  • de pénalités financières ou intérêts de retard,
  • de dommages-intérêts,
  • d’astreinte,
  • d’exécution de clause résolutoire,
  • d’exécution de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance,
  • d’activation des garanties ou cautions,

nonobstant toute stipulation contractuelle contraire.

  • Pour quelle durée ?

Les dispositions ci-dessus visées s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire.

  • Quelles sont les entreprises concernées ?

Pourront bénéficier de ces mesures les entreprises éligibles au fonds de solidarité institué par l’ordonnance n°2020-317 du 25 mars 2020, fonds institué pour une durée de trois mois et qui a pour objet le versement d’aides financières aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique particulièrement touchée.

Malheureusement, le champs d’application de cette ordonnance reste à déterminer.

Les critères d’éligibilité seront précisés par décret, lequel déterminera notamment les seuils d’effectifs et de chiffre d’affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d’affaires constatée du fait de la crise sanitaire.

 

Conclusions :

Il ressort de la loi d’urgence et de l’ordonnance du 25 mars 2020 que les loyers commerciaux pourront faire l’objet d’un report ou d’un étalement, sans pénalités et sans risque d’action en paiement, pour le temps de la crise sanitaire et à l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence.

Pour le moment, faute de décret d’application, cette mesure ne peut bénéficier qu’aux micro-entreprises au sens du décret n°2008-1354 du 18 décembre 2008.

Cependant, un nouveau décret est imminent et élargira le champ d’application de cette ordonnance.

Nous conseillons les Bailleurs de prendre les devants et faire une correspondance en retour aux locataires ayant demandé un report afin de préciser qu’il consent, à titre exceptionnel, à supporter un report du paiement des loyers à venir, sans pénalités, uniquement le temps de la crise sanitaire.

Pour ce faire, afin d’alléger la charge financière à venir du locataire, il convient de procéder à la mensualisation du paiement des loyers (pour le cas où ce paiement aurait été convenu trimestriellement dans le contrat de bail).

Par ailleurs, rappelons aux locataires que face à l’épidémie et afin que les entreprises soient en mesure de régler leurs prestataires, le gouvernement a mis en place des mesures de soutien qui se caractérisent par :

  • Des délais de paiement d’échéances sociales et/ou fiscales telles que les cotisations sociales, salariales et patronales payables auprès de l’URSSAF, pouvant aller jusqu’à 3 mois sans pénalité ;
  • Un report sans pénalité du règlement des prochaines échéances d’impôts directs tels que les acomptes d’impôt sur les sociétés ou la taxe sur les salaires ;
  • Un remboursement accéléré des crédits d’impôt sur les sociétés et des crédits de TVA.

En outre, Le gouvernement a mis en œuvre un dispositif exceptionnel de garanties permettant de soutenir le financement bancaire des entreprises.

Jusqu’au 31 décembre prochain, les entreprises de toute taille pourront demander à leur banque habituelle un prêt garanti par l’Etat pour soutenir leur trésorerie.

Ce prêt pourra représenter jusqu’à 3 mois de chiffre d’affaires de l’année 2019.

 

Concernant la force majeure :

En matière contractuelle, il y a force majeure lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur.

Pour autant, si l’empêchement est temporaire, comme c’est le cas avec la crise sanitaire, l’exécution de l’obligation est seulement suspendue.

En effet, dans l’hypothèse où la force majeure aurait des effets définitifs, il y aurait lieu de résilier le contrat.

Invoquer la force majeure ne permet donc pas aux locataires d’obtenir plus de droit que ceux qui leurs sont offerts par la loi d’urgence et l’ordonnance.

Auteur : Valérie MOULIN